Le pari du livre belge aux Ecuries royales

Le pari du livre belge aux Ecuries royales

Du 23 au 25 juin, 55 maisons d’édition belges tiennent salon dans le cadre enchanteur des Ecuries royales de Bruxelles pour mettre en vitrine une petite centaine d’auteurs et d’autrices aux talents singuliers.

Premier vaccin contre le covid, le Salon des littératures singulières de Belgique est né de la pandémie pour témoigner de notre besoin vital de culture dans les périodes de crise. Il revient pour sa deuxième édition aux Ecuries royales de Bruxelles, avec des auteurs et des autrices publiés par les maisons indépendantes engagées dans la littérature de création. L’événement n’entend en rien se substituer à la Foire de Livre. Il s’adresse à un public différent et veut renouer avec l’esprit singulier qui fait la réputation des éditeurs belges. Pour se démarquer des géants français du monde littéraire, la Belgique cultive l’art de proposer autre chose. Ses maisons, et leurs auteurs et autrices, ont ouvert les lecteurs francophones au pamphlet, au fantastique, au polar, à la bande dessinée… des genres longtemps marginalisés en France.

Cette stratégie perdure au travers d’éditeurs spécialisés dans la nouvelle, la poésie, le roman graphique, le livre jeunesse. Le Salon des littératures singulières se veut le reflet de ces têtes chercheuses, à l’image de La Pierre d’Alun ou des Impressions Nouvelles. Les best-sellers d’Amélie Nothomb sont publiés chez Albin Michel mais sa féerie pour enfants illustrée par Kikie Crêvecoeur, Brillant comme une casserole, est parue à La Pierre d’Alun. Caroline Lamarche est une romancière vedette de Gallimard mais le livre de sa saga familiale, L’Asturienne, a été édité par Les Impressions Nouvelles.

« Un vrai défi de société à relever »

En dépit de leurs qualités, nos éditeurs restent pourtant en manque de visibilité dans le grand public. «On confond trop souvent notre métier avec celui de l’imprimeur», confie Benoît Dubois, directeur de l’Association des éditeurs belges (Adeb). « Notre vocation est tout autre. Nous accompagnons les créateurs dans la préparation de leur manuscrit et nous les aidons à trouver les lecteurs. Le Salon des littératures singulières a un rôle de vitrine à jouer. Il permet des ventes directes. Pour les auteurs, ces ventes peuvent représenter jusqu’à 15 % du total des livres écoulés. J’ajoute qu’en 2022 et 2023, les petits libraires indépendants ont repris des parts de marché aux grandes surfaces et aux plateformes de vente en ligne. C’est rassurant et important que les lecteurs retournent vers les libraires car c’est là que le coeur du marché bat. »

Il faut préciser que sur le marché de l’édition, la force des maisons belges repose d’abord sur la bande dessinée, le livre scolaire et les ouvrages à caractère juridique. Cette production pèse environ 90 % de l’activité éditoriale en Fédération Wallonie-Bruxelles. « Mais c’est l’arbre qui cache la richesse de la forêt éditoriale belge ! », souligne Benoît Dubois. « Le Salon des littératures singulières est aussi là pour rappeler la diversité des genres éditoriaux et aider l’ensemble des acteurs de l’économie du livre à garder la tête hors de l’eau. Une récente étude a montré qu’un peu plus de 10 % des élèves en Fédération Wallonie-Bruxelles sont quasi analphabètes. L’école n’arrive plus à compenser.

Il y a là un vrai défi de société à relever. Il faut redonner le goût de la lecture à tous, et particulièrement à nos enfants, parce que le livre est une clé de la découverte du monde, dont le prix moyen reste en baisse constante malgré la situation économique tendue. »


Daniel Couvreur

Le Soir, 16 juin 2023